« L’acceptabilité environnementale du projet de ferme piscicole est questionnée tout comme l’acceptabilité économique et sociétale »

Monsieur le maire,

Nous venons par cette lettre ouverte vous interpeller sur un sujet d’importance pour notre commune et qui manque malheureusement, une nouvelle fois, d’information, de transparence, de concertations, de réponses et de garanties.

Nous nous sommes rendus à la réunion publique organisée mardi 2 novembre en soirée au Café du Port. Nous avons pu constater et entendre les nombreux questionnements de plus de 80 habitants, professionnels et habitués du port qui se sont retrouvés pour discuter du projet de ferme piscicole (espace total de bassins d’élevages de truites de 1200 M²) qui doit s’installer devant le Tinduff.

Depuis plusieurs semaines, des informations filtrent au fil de l’eau et génère de nombreuses inquiétudes de la part des administrés. Les élus d’Ensemble Pour Plougastel comprennent les nombreuses questions légitimes des habitants et professionnels et souhaitent avoir des réponses et des garanties sur ce projet. Présent à cette réunion, nous avons pu nous rendre compte que le projet interroge autant les professionnels et usagers du port que les nouveaux habitants du quartier. Votre malheureuse opposition récente, mais habituelle, des habitants entre « natifs » et « nouveaux » dans la presse ces derniers jours s’avère d’ailleurs assez maladroite pour le maire de « tous les plougastels ».

Tous les habitants présents mardi soir ont le droit de s’exprimer et de se questionner. Qu’ils habitent là depuis des générations ou depuis quelques années, mois. Tous sont des usagers du port, des grèves, paient leurs impôts et ont autant de légitimité à s’inquiéter du développement de la commune et de notre qualité de vie au quotidien. Nous sommes tous d’accord, riverains du port ou non, natifs ou nouveaux arrivants, élus comme citoyens, que la pêche a forgé la vie culturelle et économique du Tinduff. Que nous avons connu un passé florissant et que nous voulons construire un futur dynamique et conscient des attentes de chacun. Producteurs comme consommateurs.

De l’information, de la transparence, des réponses et des garanties

Les choses sont aussi simples que cela. Les professionnels et habitants attendent de l’information claire et précise, de la transparence sur le sujet, des réponses et des garanties. Et tous ont la même demande initiale : Une étude d’impact et une étude des incidences du projet sur le port, le trafic routier, l’environnement …. Le projet est estimé à 20 tonnes par an. Ce qui exempte les propriétaires d’études d’impact ou d’évaluation environnementale. Malgré l’exploitation sur un site classé Natura 2000.

L’aquaculture en milieu naturel exige des eaux en excellent état, ce qui implique que les élevages aquacoles, voire piscicoles dans le cas qui nous concerne, n’en impactent pas eux-mêmes la qualité. Hors ici de nombreuses questions subsistent. Par voix de presse, vous demandez des réponses de « spécialistes » ? Sachez que fin octobre, Florian Breton, directeur de l’écloserie du Tinduff, s’interroge dans la presse de « possibles proliférations de phytoplanctons, potentiellement toxiques, de dépôt de granulés ou d’infiltration dans les bacs de Saint-Jacques ». Comme bon nombre de professionnels ou d’habitants, il demande des garanties fiables. Tout comme M. Le Gall, ostréiculteur de la commune, qui demande dans le même article lui aussi une étude d’impact en rappelant «ne prenons pas le risque de laisser s’installer une pisciculture en ignorant son impact ».

L’entreprise en question agit à la hussarde (l’exemple de la découpe des cages sur le terre-plein le confirme) et a, de surcroit, un passif sur la commune. On parle de plus de 20 K€ de dégâts matériels suite à une expérimentation infructueuse et mal appréciée dans l’anse de l’Auberlac’h. Qui va payer les travaux de réfection nécessaires suite à ces dégradations ? Le contribuable, c’est-à-dire nous ? Les professionnels du Four à chaux et de l’Auberlac’h demeuraient très sceptiques sur la co-activité et le respect des usagers des ports lors de l’expérience de l’an passé. Quelles sont aujourd’hui les garanties sur l’application des principes de prévention et de réparation (pollueur-payeur mais aussi destructeur-payeur) eu égard au passif de cette société dans notre commune ?

Les questions sont nombreuses aujourd’hui autour de ce projet et sont relayés à juste titre par le collectif. Et bien qu’il n’y ait pas eu de procédure de concertation ni d’information complète, une réunion publique est plus que légitime avec toutes les parties prenantes pour, comme vous l’appelez de vos vœux, « dépassionner le débat ». La loi Voynet invite les élus et les porteurs de projets à tendre vers ces modes de fonctionnement et ainsi mieux cerner les liens entre enjeux économiques et socioéconomiques. Cela semble opportun dans le contexte que nous connaissons.

Quelles demandes au préfet ?

Vous annoncez, également par voix de presse, saisir le préfet du sujet (avant sa signature nous l’espérons) pour en échanger avec lui. L’avis favorable de la commission des cultures marines ayant été rendu il y a quelques jours, le temps presse.

De manière volontariste et pour éclairer l’avis de tous sur ce projet, et bien que le projet soit juste en dessous du seuil obligatoire (sur le tonnage annuel), il semblerait apaisant et judicieux qu’une étude d’impact environnemental, ou une évaluation environnementale, puisse être diligentée.

Vous dîtes vous-même que la priorité est « l’environnement de la Rade ». Alors pour mieux tenir compte des préoccupations à contribuer à la qualité de vie, de l’eau et des usages de la Rade de Brest, à veiller au maintien des diversités des espèces et à conserver la capacité de reproduction de l’écosystème en tant que ressource fondamentale de la vie (proximité des sites de maërls protégées, d’installation d’huîtres plates par IFREMER, d’activité de professionnels comme l’écloserie ou les huîtres Le Gall …), ne serait-il même pas opportun de demander au préfet un cadrage préalable de la DREAL et de demander l’avis de la mission régionale d’Autorité environnementale (MRAe) sur la qualité de l’évaluation environnementale de ce projet de ferme piscicole ? Ainsi que l’avis des Syndicats d’Aménagements et de Gestion de l’Eau (SAGE) de l’Elorn et de l’Aulne ? Ou de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ?

Le projet aura des conséquences et des incidences sur le milieu naturel de la Rade et pourra porter atteinte à ce dernier. En parallèle il faut appréhender les effets indirects de cette nouvelle exploitation.

Il nous paraît donc légitime que vous demandiez au préfet d’imposer à la structure exploitante (en tant que maître d’œuvre du projet) de réaliser cette étude d’impact comprenant donc une évaluation environnementale mais également de prendre en compte le programme complet d’impact et d’incidence (transport, usage du port, de la cale, coactivité littorale, nautique, contraintes …).

Il s’avère aujourd’hui que l’acceptabilité environnementale du projet est questionnée tout comme l’acceptabilité économique et sociétale de la part des professionnels, usagers du port comme des riverains et des élus de notre groupe.

Quels projets pour la Rade ?

Ensuite de manière plus politique, que souhaitons-nous pour le développement des activités économiques de la Rade de Brest ? Vous êtes Vice-président de Brest Métropole, Vice-président du Pays de Brest en charge de la Rade, quelles sont vos idées et projets pour le développement économique, touristique, écologique de notre Rade ? La livrer sur un plateau à des entreprises dont la plus-value ne s’exerce pas sur notre territoire et dont l’empreinte écologique est forte ? Quel est la réelle plus-value pour notre commune de cette installation quand on sait qu’elle ne générera qu’un employé à mi-temps annuellement ?

Voulons-nous encore aujourd’hui et demain de ce type de culture ? Devons-nous « encore » nous tourner vers l’installation d’exploitation de truite arc-en-ciel, poisson « exotique » exporté des Etats-Unis, dont la qualité de l’alimentation, qui, dans de nombreux pays exportateurs est élaborée à base de farines de poissons issues de ce que l’on appelle la pêche minotière, contribue largement à porter atteinte aux ressources halieutiques naturelles ? Ou avec de l’huile de palme, des anchois du Pérou ? D’ailleurs quelle sera la traçabilité de l’usage des intrants ici ?

Les enjeux de transition écologique, sociétale, de réel développement durable mais également les évolutions des modes de consommation, présentées par la Conférence régionale de la mer et du littoral en Juin 2018, souhaitent engager une profonde transition maritime de la Bretagne.

En France, en Bretagne, nous disposons d’atouts indéniables pour développer un secteur aquacole performant. Alors oui au développement des activités de la mer sur notre commune et en particulier au Tinduff mais qui respecte notre histoire, notre environnement, nos savoir-faire.

Nous sommes, comme à notre habitude, constructifs pour écrire l’avenir de Plougastel dans la Rade de Brest avec vous. Nous ne pouvons plus attendre. Saisissons-nous de ce sujet pour écrire l’avenir maritime de notre commune, de notre Rade ! Qu’ils s’agissent de voile, du nautisme, de la pêche, de la qualité de l’eau et de l’appropriation du littoral par nos enfants. Les projets d’avenir foisonnent. Sachons nous tourner vers demain avec conscience, dynamisme et motivation et ne pas retourner dans les ornières du monde d’avant.

2 réponses pour “Lettre au maire : La ferme pisicole du Tinduff”

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